Santé mentale & Cinéma : Perception, traitement et enjeux de la psychiatrie et des troubles mentaux au cinéma

INTRODUCTION
L’année 1895 marquera la publication par Sigmund Freud et Joseph Breuer de leurs révolutionnaires « Études sur l’hystérie » et l’invention par les frères Lumière du cinématographe. La naissance de cette toute nouvelle forme d'expression vient alors faire écho à ce que Freud appelle "l'étrange familier" : les images projetées à l'écran sont à la fois familières et étranges, réelles et illusoires, animées sans être vivantes pour autant.
C’est cette fascinante relation entre cinéma et santé mentale à laquelle j’ai choisi de m’intéresser et que je vais tenter d’aborder dans les pages qui vont suivre.
Car oui, le cinéma a énormément emprunté à la psychiatrie et à la psychanalyse pour nourrir les histoires qu’il nous raconte. Le potentiel que représentent les maladies psychiques en terme de caractérisation des personnages, de construction d’une intrigue et de sursaut scénaristique est immense ! Et depuis la découverte de cette science si omniprésente dans nos comportements mais pourtant si méconnue du grand public, de très nombreux scénaristes et réalisateurs s’en sont donnés à coeur joie de mêler ces « maux de l’inconscient » à leurs récits, repoussant toujours davantage les limites de la part d’interprétation laissée au spectateur sur ce qu’il est amené à voir à l’écran.
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Il convient en premier lieu de définir le terme principal sur lequel porte notre sujet, à savoir le terme « troubles mentaux ».
Selon le DSM-5, ( Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders , publié par l'American Psychiatric Association), les troubles mentaux sont des syndromes caractérisés par des perturbations cliniquement significatives dans la cognition, la régulation des émotions ou le comportement d'une personne, qui reflètent un dysfonctionnement dans les processus psychologiques, biologiques, ou développementaux sous-jacents au fonctionnement mental.
Pour une définition plus accessible, plusieurs dictionnaire s’accordent sur la définition suivante : « Trouble mental : terme générique qui désigne l'ensemble des dérèglements et perturbations qui affectent le psychisme d'une personne et son fonctionnement. »
La définition donnée par le site de l’Organisation Mondiale de la Santé est encore plus vague : « Trouble mental : ensemble anormal de pensées, de perceptions, d’émotions, de comportements et de relations avec autrui. »
Le terme « anormal » est très étonnant (qu’est-ce que la norme au regard de l’individualité de chacun ?) et ne constitue pas un adjectif sérieux et fiable pour définir un sujet aussi important.
On se rend alors compte d’une première chose : il n’y a pas de définition « précise » et « scientifique » de ce qui caractérise réellement un trouble mental. Il est donc difficile de qualifier avec certitude le comportement d’un personnage de fiction comme étant lié à un trouble mental, lorsque celui-ci ne répond pas à un diagnostic précis ou ne correspond pas un à un trouble relativement fréquent et connu du grand public.
Par souci de précision et de commodité, j’ai donc choisi pour ce mémoire de m’intéresser aux troubles mentaux les plus fréquemment rencontrés dans les films. À savoir : la dépression, l’addiction, la schizophrénie, la paranoïa, la bipolarité, l’autisme, ou encore les troubles dissociatifs de l’identité (TDI). Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, il ne s’agit pas nécessairement des troubles mentaux qui touchent le plus de personnes au monde et que l’on rencontre le plus fréquemment dans les hôpitaux psychiatriques, mais bien de ceux qui apparaissent le plus souvent à l’écran dans une oeuvre audiovisuelle de fiction.
Mais notre analyse ne se limitera donc pas à cela puisque nous verrons que la « folie » est également, dans certains cas, représentée au cinéma sans réellement correspondre à un diagnostic précis et existant. S’agissant d’oeuvres de fiction, les scénaristes et réalisateurs se permettent parfois quelques libertés afin de caractériser leurs personnages de la manière qu’ils souhaitent, sans les faire correspondre à une pathologie reconnue.
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Trois grandes interrogations peuvent alors être soulevées concernant cette thématique :
Comment montrer (et surtout faire vivre) au spectateur des sensations si intimes et si intérieures que celles qui habitent les personnes atteintes de pathologies psychiques ? Et comment y parvenir par le biais de simples images, de surcroît délimitées par un cadre et un format ?
Qu’est-ce qui conduit une personne à écrire ou réaliser un film sur un sujet aussi sérieux et sensible ? Et y a-t-il parfois des conséquences (physiques ou mentales) sur les acteurs qui interprètent ces rôles de composition nécessitant une intense préparation ?
Et enfin, quels sont les risques qu’une mauvaise représentation à l’écran de ces troubles mentaux peut entraîner ? Le cinéma participe-t-il à l’entretien des stéréotypes et des fausses croyances sur les personnes atteintes de ces maladies, ou au contraire se met-il au service d’une compréhension plus juste et plus répandue de ces dernières ?
Ce sont trois questions principales auxquelles nous allons tenter d’apporter des réponses, couvrant ainsi de nombreux points d’intérêt que peut présenter ce sujet à l’étude.